Présentation

Les œuvres d’Adler Guerrier prennent souvent racine dans les espaces marginaux dissimulés au cœur des villes — arrière-cours, jardins, petits terrains partagés — là où la vie ordinaire est un terrain de résistance. Avec come … sit with us, il nous invite à flâner dans ces lieux modestes où la végétation fissure le béton et défie les clôtures, opposant à la dureté du monde la persistance du vivant. Disséminées dans le tissu urbain, ces poches écologiques résilientes encadrent le quotidien et offrent à chacun une échappée face à la rigueur des structures dominantes. Elles deviennent refuges de pensée, d’oisiveté et de liberté, des lieux de communion avec le naturel et le merveilleux, et préservent discrètement des utopies que la mécanique urbaine ne saurait accomplir.

Plantes et fleurs, omniprésentes dans l’exposition, introduisent une temporalité non-humaine. Plus que de simples ornements, ces végétaux qui purifient l’air et apportent de la beauté deviennent des guides et des repères, établissant un rythme de vie, un cadre pour une pratique de patience, d’humilité et de soin. Une fleur dans une cour, une plante en pot sur un rebord de fenêtre, un bonsaï ou un jardin commun entretenu par des voisins sont autant de gestes qui dessinent les contours d’un mieux-vivre. Dans ses photographies, Guerrier adopte la figure du flâneur, arpentant des lieux modestes pour « regarder et s’attarder », attentif aux éclats du quotidien. Son objectif capture des textures et des détails fugaces : des plantes entrevues à contre-ciel, subtil jeu de netteté et de flou, recoins silencieux où la perception amène réflexion. Ces images ne sont pas seulement les traces d’une itinérance. Elle sont une invitation à dériver, à habiter cet entre-deux où mémoire et poésie se rejoignent.

Ces réflexions prennent une autre forme dans la série Folds, où Guerrier transforme la photographie par le collage, la répétition et la peinture. Des grands tirages noir et blanc, inclinés à la verticale et répétés en séquence, représentent des jardins et arrières-cours typiques des banlieues de Miami, des lieux où la réalité d’un habitant se confond avec celle de son voisin, révélant un horizon partagé. Sur ces clichés, Guerrier superpose des formes découpées et des échantillons de couleurs tirés de catalogues de peinture, où les noms des teintes — « Gris Bamako », « Rose Pasada » — répondent aux désirs des consommateurs, suggèrent des identités et convoquent des géographies imaginées. Ces juxtapositions reconfigurent le paysage suburbain en un lieu d’intelligence latente. Évoquée dans le titre de l’œuvre, cette « intelligence murmurante tapie dans les feuilles » est une constellation de voix, d’esprits et de réalités sociales dissimulées dans le tissu urbain.

À l’image du slogan révolutionnaire Du pain et des roses, les fleurs qui habitent l’œuvre de Guerrier portent une idée de résistance indissociable de son héritage haïtien. Ici, la résistance n’appelle pas à la confrontation mais au geste de cultiver : créer les conditions où la vie peut s’épanouir, où la communauté imagine ses propres formes de liberté et de renouveau. come … sit with us s'offre alors comme une invitation à arpenter ces communs fragiles, à reconnaître leur force politique et poétique, et à imaginer, avec Guerrier, une révolution paisible et pacifiste — celle qui ne se contente pas de l’essentiel, mais aspire à un épanouissement.

Œuvres
Vues de l'exposition